La longue période d’édification de l’homme nouveau au travers des canons du réalisme socialiste et de son romantisme révolutionnaire est suivie, en URSS dans les années 60, de la période du « dégel » : une génération de jeunes poètes fait voler en éclats les normes imposées dans la littérature soviétique depuis les années 30.

C’est à cette époque que Bulat Okudjava, souvent appelé – et ce n’est pas un hasard - le Brassens russe, commence à publier ses poèmes.

Très vite, malgré les tracasseries du pouvoir, il va connaître le succès au travers des textes qu’il met en musique et chante en s’accompagnant à la guitare. Barde d’une ère nouvelle, ses chansons circulent hors du circuit officiel grâce à la diffusion de bandes magnétiques.

Engagé volontaire à l’âge de 18 ans, il a bien vite réalisé la duperie que représente la guerre, les souffrances, la mort qu’elle engendre. Il dénonce l’héroïsme érigé en vertu et considère comme un devoir pour le poète de témoigner de ces horreurs. Si la guerre est un sujet récurrent chez lui, il délaisse les chansons à thèmes héroïques de l’époque soviétique pour puiser dans les thèmes du folklore qu ’il réactualise : la vie quotidienne, l’amour, l’amitié, la ville aimée, les métiers traditionnels. La femme y est un être quasi sacré, à conquérir tel un pays inaccessible et merveilleux. Mais l’amour peut aussi se transformer en amer désenchantement.

Bien loin de l’optimisme officiel, les textes d’Okudjava expriment les difficultés de la vie. Elles sont un plaidoyer pour les valeurs individuelles, l’ouverture aux autres, la bonté, l’amour.

Ses chansons ont un goût d’authenticité qui touche, les jeunes en particulier. En les entendant, chacun a l’impression qu’elles s’adressent à lui personnellement, que s’entame un échange d’âme à âme.

Ce nouveau récital de Natalia Balachova propose une rencontre avec cet artiste exceptionnel que fut Bulat Okudjava, lui qui sut bouleverser son public en osant avouer ses craintes, ses doutes, ses sentiments les plus intimes, en critiquant d’une manière claire bien que très subtile les problèmes de la société soviétique, répondant ainsi à un profond besoin d’authenticité.

Natalia Balachova nous offre avec ce récital une rencontre d’une rare intensité.